Blog de Laurent Bloch
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Un film de Maryam Moqadam et Behtash Sanaeeha
Mon gâteau préféré
Une élégie iranienne et féministe
Article mis en ligne le 10 février 2025

par Laurent Bloch

La scène est à Téhéran, où vit Mahin (jouée par Lily Farhadpour), une femme de 70 ans, veuve depuis 30 ans, dont les enfants sont partis vivre en Suède. Elle occupe un appartement agréable avec un beau jardin, mais ses copines, qui sont sa seule distraction à part les films à l’eau de rose à la télévision, habitent loin, elles ne se rencontrent plus que deux ou trois fois par an, occasions de décrire avec crudité leurs problèmes de santé respectifs.

Un jour, une de ces copines suggère à Mahin qu’elle pourrait essayer de trouver un homme. Cette idée fait son chemin, stimulée par les films à l’eau de rose. Et Mahin commence à draguer, en choisissant des hommes d’âge compatible avec le sien mais pas trop moches. Les premières tentatives, par exemple dans la queue de la boulangerie, sont maladroites.

Elle tente aussi sa chance dans un fort beau parc, où elle espère trouver des hommes de son âge adonnés aux sports de plein air. Mais comme elle se lève tard elle arrive en début d’après-midi, et le gardien lui apprend que les vieux messieurs viennent faire du sport le matin, qu’ensuite ils rentrent déjeuner et font la sieste. Elle croise aussi la police des mœurs, en train d’embarquer une jeune fille dont le foulard ne dissimule pas assez les cheveux : Mahin s’interpose avec véhémence et lui évite l’arrestation.

Comme son mari était médecin militaire et elle-même infirmière dans un hôpital militaire, Mahin reçoit des bons de repas pour un restaurant réservé aux militaires retraités. Un jour où elle y est allée déjeuner, elle remarque Faramarz, un assez bel homme. Les échanges de blagues avec les autres clients lui révèlent son nom. Elle apprend aussi qu’il est célibataire et chauffeur de taxi. Alors elle part à la centrale de réservation des taxis et manœuvre pour se faire raccompagner chez elle par Faramarz.

Une fois dans le taxi, Mahin propose carrément à Faramarz de venir chez elle, et il ne refuse pas. Elle lui conseille de garer sa voiture un peu plus loin pour égarer les soupçons, et il entre. Quelques minutes plus tard surgit à la porte de derrière une voisine acquise à l’idéologie du régime et qui dit avoir entendu un homme : Mahin lui répond que c’était le plombier, qu’il est parti, et qu’elle a hélas perdu la clef de cette porte, ce qui lui interdit de la faire entrer chez elle.

Commence alors une folle soirée romantique, Mahin sort du placard une énorme bouteille de vin clandestin offerte par des amis et qui attend d’être bue depuis des années, elle prépare des gâteaux et autres zakouskis, après le deuxième verre les deux complices sont acquis à l’idée d’une vie commune. Faramarz raconte qu’il a dû épouser jadis une femme antipathique trouvée par sa mère, mais qu’heureusement elle a demandé le divorce quand elle a constaté sa stérilité. Il a aussi fait un mois de prison pour fabrication clandestine de vin, avant d’être relâché parce qu’ancien combattant de la guerre avec l’Irak.

Une véritable idylle romantique se déploie, avec danses endiablées. Et si la police des mœurs vient les surprendre, que pourra-t-elle faire d’autre que les contraindre au mariage, auquel ils consentiront bien sûr ? Encore quelques verres de plus et ils sont ivres morts, affalés tout habillés sous la douche. Ils décident de dormir dans le même lit.

La fin est réservée à ceux qui iront voir ce très beau film, poétique et émouvant, tous les acteurs excellents, magnifique photographie, des cadrages à la Ozu. C’est aussi un film politique, avec finesse et discrétion.

Ce film est le second long-métrage de Maryam Moqadam et de son mari Behtash Sanaeeha, il a été sélectionné en compétition du 74e Festival International du Film de Berlin et présenté en première mondiale le 16 février 2024. À la suite de quoi les deux réalisateurs se sont vu confisquer leurs passeports et assigner à résidence en attente de leur jugement. J’avais déjà rendu compte de leur premier long-métrage, Le Pardon, également un très beau film servi lui aussi par une très belle photographie.

Certains lecteurs assidus m’ont reproché de ne pas tenir assez régulièrement ma rubrique de cinéma iranien, j’avoue avoir vu quelques films dont j’ai été trop paresseux pour faire le compte-rendu, mais je les ai aimés aussi.


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