Une fonderie de silicium est une entreprise dont le métier est de fabriquer des micro-processeurs et d’autres composants électroniques dont elle n’est ni le concepteur ni le vendeur, mais qu’elle réalise pour d’autres entreprises, éventuellement dépourvues d’usines (fabless) , dont elle est le sous-traitant.
La revue Microprocessor Report, dont j’ai déjà eu l’occasion de recommander la lecture à ceux qui s’intéressent à l’informatique et à son évolution, consacre dans son numéro de septembre un article de Jim Turley à la firme GlobalFoundries (GloFo pour les intimes), créée en 2008 lorsque AMD (Advanced Micro Devices) a décidé de transformer en filiale son activité de fabrication de microprocesseurs, pour ne conserver que la conception, le marketing et la commercialisation. Par cette opération, AMD entrait dans la catégorie des entreprises de semi-conducteurs sans usines (Fabless semiconductor companies).
Il ne s’agit pas de petites affaires : AMD est le second d’Intel pour la conception et la vente de microprocesseurs à l’usage des ordinateurs de bureau, des serveurs et des portables, avec 10 000 employés et 5,3 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2009, alors que GlobalFoundries, son ancien département fabrication, a fusionné en 2009 avec Chartered Semiconductors de Singapour pour atteindre 10 000 employés, 8 usines de par le monde (la plus grande et la plus moderne à Dresde) et 2,6 milliards de dollars de CA.
La fabrication de microprocesseurs exige des capitaux considérables parce qu’il s’agit d’une activité hautement complexe. La nouvelle usine de GlobalFoundries, “Fab 8” à Saratoga dans l’État de New York, aurait coûté 4,8 milliards de dollars, sans préjudice de 2 milliards pour une seconde tranche déjà planifiée. Seules les plus grosses compagnies peuvent se permettre d’assurer elles-mêmes la production de leurs circuits intégrés : IBM, Intel, Samsung et Toshiba. Les autres sont contraintes de faire appel à des fonderies indépendantes, ce qui assure une certaine forme de mise en commun des efforts. AMD, en filialisant son activité de fabrication, lui a trouvé des clients extérieurs : Freescale (issue de l’activité microprocesseurs de Motorola), Broadcom (spécialiste des processeurs réseau), Nvidia (spécialiste des processeurs graphiques), Qualcomm (le leader des circuits pour téléphone portable), STMicroelectronics et Texas Instruments (naguère
le leader mondial de l’industrie des semi-conducteurs), toutes sociétés de microprocesseurs qui abandonnent tout ou partie de leur activité de fabrication.
Parallèlement, GlobalFoundries s’est associé à d’autres compagnies pour mettre en commun de la recherche et des développements pré-compétitifs : c’est la Joint Development Alliance (JDA) à laquelle participent, outre GlobalFoundries, IBM, Infineon (issu de Siemens), Renesas (qui regroupe les activités micro-électroniques de NEC, d’Hitachi et de Mitsubishi), Samsung, STMicroelectronics et Toshiba.
Comment se présente le monde des fonderies indépendantes, où GlobalFoundries vient s’insérer ? Il est dominé par les Taïwanais TSMC (13,3 milliards de dollars de CA) et UMC (3,8 milliards de dollars), entreprises qui visent les gros volumes plutôt que les positions
technologiques de pointe. GlobalFoundries pourrait donc trouver sa place en offrant à des clients des processus de fabrication plus perfectionnés et plus variés, qui leur donnent des moyens de se différencier de leurs concurrents, même de ceux qui seraient également clients de GlobalFoundries.
Quels sont les plans à moyen terme de GlobalFoundries ? À ce jour Fab 1 (à Dresde) produit des composants en géométrie 40 nm (nanomètres), et mettra en production les composants 32 nm et 28 nm d’ici la fin 2010. Fab 8 à Saratoga produira en 28 nm sur des tranches (wafers) de 300 mm dès son entrée en service en 2012. Les autres usines, à Singapour, fabriquent des produits moins en pointe, avec quand même du 40 nm sur 300 mm pour Fab 7. Il n’y a pas de Fab 4 parce que le nombre 4 porte malheur dans la tradition chinoise.
Pour agencer quelques centaines de millions de portes organisées de façon à constituer quelques milliers de circuits logiques et quelques millions de positions mémoire, le tout sur une surface de l’ordre du centimètre carré, il y a deux approches rivales : l’une donne la priorité à l’agencement efficace des portes (“gate first”), l’autre à l’optimisation des interconnexions entre les circuits (“metal first”). Les deux approches sont exclusives, GlobalFoundries est adepte de “gate first”, TSMC et Intel de “metal first”. La sagesse populaire des milieux de l’industrie des semi-conducteurs nous dit que “gate first” donne des circuits moins chers à concevoir et à fabriquer, qui consomment moins d’électricité, cependant que “metal first” donnerait des circuits plus rapides, mais la différence n’est pas considérée comme très importante.
GlobalFoundries n’est pas cotée en bourse, c’est une “privately held company”, dont AMD n’est que le second actionnaire, derrière ATIC, un fonds d’investissement d’Abou Dhabi.