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Industrie électronique et informatique américaine

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Rappel de la discussion
Industrie électronique et informatique américaine
Marcel Moiroud - le 14 octobre 2005

Paris le 14 octobre 2005

Cher Laurent,

Ton historique de l’industrie électronique et informatique est un
raccourci intéressant, et j’ai particulièrement apprécié la clarté du
§ Embryogenèse et anatomie d’un microprocesseur. L’aboutissement cet
historique est le constat - auquel j’adhère, nonobstant mon
incompétence en ce domaine - du monopole de la conception et de
l’innovation des industries américaines des semi-conducteurs et des
systèmes informatiques.

Tu prolonges ce constat en affirmant que « rien ne permet de prédire
la fin de ce monopole dans les prochaines années ». Compte-tenu des 7
à 8 ans requis pour la conception d’un circuit, des 7 à 8 autres
années nécessaires à la conception et réalisation d’un système
d’exploitation, les « prochaines années » évoquent un futur
indéterminé (et sans doute indéterminable) dans le temps qui obscurcit
toute prédiction. Reste : « rien ne permet de prédire la fin de ce
monopole ». Je ne peux que faire mienne cette opinion...et aussi
l’opinion contraire.

C’est qu’un historique ne fait pas histoire. D’ailleurs ne situes-tu
pas ton historique de l’ industrie électronique et informatique, tant
japonaise qu’américaine, hors de ce qui est le « sujet » du livre de
Todd ? Renoncer à se prononcer sur un tel sujet n’est aucunement
critiquable, mais s’abstenir de le prendre en considération revient à
croire que l’on peut comprendre l’évolution d’un secteur d’activités
en l’isolant de son contexte historique. Écrire que les entrepreneurs
japonais de la fin des années 1980 « avaient sans doute la capacité de
concevoir de nouveaux types de processeurs, mais pas celle de les
imposer sur le marché, [...], parce qu’ils n’étaient pas en situation
de produire et d’imposer sur le le marché le système d’exploitation qui
aurait permis de les mettre en oeuvre » n’apporte aucun éclairage sur
les questions seulement suscitées quant à l’histoire de cette
situation - histoire dont on peut penser qu’elle inclut la seconde guerre
mondiale, qui stimula les technologies et les industries américaines
et qui laissa au Japon une économie à reconstruire (sous tutelle
militaro-politique américaine jusqu’en 1952). Une culture
scientifique et technique, « élaborée au long de décennies » a
certainement été un facteur essentiel de l’accession des industries
américaine considérées à leur actuelle situation monopolistique, mais
il n’a pas été suffisant, et il a lui-même résulté de facteurs
multiples et complexes.. Le marché n’est pas un « lieu » donné et
stable sur lequel un produit parvient ou non à s’imposer. Il est
interactions incessantes et fluctuantes d’offres et de demandes. La
survie de l’offre est conditionnée par l’existence d’une demande. Par
ses innovations, notamment, l’offre peut créer et étendre la
demande. Mais la solvabilité de celle-ci- vitale pour l’offre - est
fonction d’une situation économique, et souvent d’une situation
politico-économique. Par ailleurs, pour parvenir à une offre initiale
l’industrie doit trouver des financements de ses investissements. En
ce qui concerne l’industrie électronique et informatique américaine,
on ne peut pas passer sous silence, ni la prospérité de l’économie
américaine, ni le rôle très actif de l’État dans le financement des
recherches fondamentales et appliquées, ainsi que dans la formation de
demandes.

L’insularisation n’affecte pas la validité et la pertinence de
l’historique par lequel tu identifies et analyses les caractéristiques
techniques spécifiques des industries américaines de l’électronique et
de l’informatique. Par contre, elle constitue un socle trop lacunaire
pour toute ébauche de prédiction de l’évolution de ces industries, et
de leur situation mondiale dans 30, 20 et même seulement 10 ans.

La prospective est un art souvent ingrat. Plus que de calculs
statistiques et probabilistes ou de modélisations et de simulations,
elle est oeuvre d’imagination. D’où sa difficulté, car notre capacité
d’imagination est constamment bornée par nos connaissances - y compris
les connaissances scientifiques, accoutumés que nous sommes à oublier
qu’elles sont paramétriques et délimitées, que l’objet de chaque
connaissances est abstrait d’un système concret, complexe et actif, et
hors duquel la représentation se substitue à la réalité.

Anticiper la situation de l’électronique et de l’informatique
américaines suppose imaginer l’évolution de l’économie mondiale - et,
pour commencer, évacuer les « bien-pensers » contemporains, qui le plus
souvent nous paraissent n’être que simples perceptions, opinions de
bon sens, constats évidents ou démonstrations rationnelles.

Cependant, la visée principale de ton article n’est pas cantonnée à
l’électronique et à l’informatique. Plus important est que tu
considères que, les États-Unis ayant la maîtrise, le monopole
d’activités « qui conduisent l’économie mondiale », on peut penser que
« les États-Unis détiennent ainsi une arme décisive pour faire face à
la menace du déclin ». Ta déclaration liminaire d’incompétence importe
peu : tel est, me semble-t-il, le C.Q.F.D., poursuivi en opposition aux
(hypo)thèses pessimistes de Todd et de la Task Force on the Future
American Innovation
.

Quand tu parles d’activités « qui conduisent l’économie mondiale », je
ne sais pas s’il s’agit des « industries américaines dans les domaines
des semi-conducteurs et des systèmes informatiques », ou de « la
culture scientifique et technique qui s’est élaborées aux long de
décennies, dans des dizaines d’universités et de laboratoires », ou de
l’ensemble. De toute manière, je ne pense pas que « ces activités »
(ou d’autres) « conduisent l’économie mondiale », parce que, bien
qu’influentes, elles ne sont que des éléments du gigantesque, complexe
et super-actif système que nous sommes encore incapables de nommer,
aussi bien que de parvenir à une représentation, même grossière, de
l’ensemble des interactions physiques, biologiques, techniques et
sociales qui le constituent.

D’autres éléments du même système - et non des moindres - sont ces
« milieux financiers » que tu réduis à un « essor bureaucratique ». Ces
« milieux », omniprésents dans maints discours à contenu économique et
obstinément non-identifiables et non localisables, sont des flux
informationnels qui, régulés par une logique ne relevant d’aucune
instance décisionnelle instituée, imprègnent toutes les activités
économiques. Ce sont peut-être même la seule réalité spécifiquement
économique.

Je te remercie d’avoir provoqué l ’écriture de ce texte car, si je
suis convaincu de la nécessité de renouveler nos modes de penser, les
approches (les miennes et quelques autres) ne sont présentement que
balbutiantes, et je ne peux guère en parler qu’en termes confus.

Encore quelques mots pour éclairer quelque peu ma démarche.

Le système, que j’évoque, n’est pas une innovation de notre temps ; il
est consubstantiel à l’univers. Pendant des siècles, le hommes ont pu
se satisfaire de connaissances parcellaires, superficielles et,
jusqu’à presque maintenant, le plus souvent isolées. Ils se sont
satisfaits d’accroître, d’étendre ces modes de connaissance, car leurs
actions n’avaient que des effets de faibles portées spatiales et
temporelles, aux conséquences diffuses et diluées pour le système
global.

Au cours des derniers siècles, grâce aux progrès des sciences et des
technologies et aux expansions de leurs applications, le gain des
actions des hommes a été considérable, en efficacité et en
puissance. De plus en plus, l’agir des hommes, dans la plupart de
leurs domaines d’activité, a un impact sur le système global, plus ou
moins fort, plus ou moins étendu, plus ou moins rapide, mais avec des
conséquences de plus en plus souvent irrévocables.

Or, notre pensée est très en retard par rapport à notre action. Dans
bien des cas et dans des domaines divers, nous sommes impuissants à
imaginer l’ampleur et la durée des conséquences de notre action, et,
surtout, nous nous refusons à croire à la possibilité de ce que nous
imaginons, de ce dont nous pouvons dire que, grosso modo, nous le
savons.

Mettre notre penser au niveau de notre agir : telle la tâche la plus
impérieuse. Il s’agit, certes, d’accroître et d’affiner nos
connaissances, mais avec intégration de la connaissance de notre agir
et de la connaissance de l’agir incessant et omnipotent du monde.

Très amicalement.

Marcel.

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